Suspiria (2018) est une fresque à la beauté viscérale et profondément marquante, un crescendo intense d’horreur et de mystère offert par Luca Guadagnino porté par une bande-son envoutante comme un sort composée par Thom Yorke (Radiohead, The Smile).
Mais de quoi ça parle Suspiria ?
Susie, une jeune américaine issue d’une famille mennonite, arrive à Berlin pour y intégrer une prestigieuse école de danse, dont les professeures sont toutes secrètement des sorcières, divisées en deux camps aux idéologies différentes. Toutes sont gagnées d’un intérêt tout particulier pour Susie, alors qu’elle et une autre fille de l’école découvrent peu à peu ses mystères macabres…
Ce film est un remake du célèbre classique du genre d’horreur Italien du Giallo réalisé en 1977 par Dario Argento, dont il ne garde que le postulat de base. En effet, plutôt que de se contenter de ne faire qu’un simple remake bête et discipliné, Luca Guadagnino et son auteur Dave Kajganich concoctent une réinvention totale du mythe d’Argento, se l’appropriant et accouchant d’un film d’horreur à portée historique dramatique et original qui se trouve également être une œuvre avec un fort parti pris politique se déroulant dans le Berlin de 1977, en pleine crise de l’automne allemand, dont les faits chapitrent le film, intentionnellement divisé en six actes.
Loin de n’être qu’un choix purement esthétisant et creux, cette filiation du film à ces évènements s’inscrit dans une volonté d’ancrer son récit – fantastique et horrifique – dans une logique politique se rapprochant du réel et du connu, traitant de divers sujets politiques allant de la résistance féminine durant la seconde guerre mondiale, de ce qu’il advient du fascisme après celle-ci, du sentiment de honte allemande s’installant post-guerre… Le tout tourné avec une esthétique automne/hivernale sublime, aux antipodes du film original. Autre grande différence avec le film d’Argento, le film n’utilise pas simplement la danse et son école comme élément secondaire – ces éléments sont ici au centre du film, qui traite également de danse contemporaine, thématique avec un lien très fort avec les idées féministes du film. Le film est également porté par des interprétations grandioses de Dakota Johnson, de la "nouvelle scream queen" Mia Goth et surtout par une incroyable Tilda Swinton, qui incarne l'âme même du film.
« Aujourd’hui, nous devons briser le nez de toutes les belles choses ».
Sa très grande différence du film original, ses choix audacieux, son manque de marketabilité et son récit complexe (se perdant parfois un peu dans ses ambitions) ont contribué à faire de cette mouture Suspiria un flop à sa sortie. Mais, très apprécié de certains cinéphiles sachant lui créer une place dans leurs cœurs, il gagne peu à peu une notoriété de « cult film » (obscur mais apprécié), notamment dans les cercles féministes. C’est pour ça que je ne peux que fortement vous le conseiller, c’est un film monstrueux de complexité, de nuances, de thèmes et d’idées dans lequel j’ai su trouver énormément d’intérêt depuis sa sortie.
Coup de cœur de Charlotte (médiathèque intercommunale de Garges-les-Gonesse)
